Maître Georges Chavernac, mort pour la France
Cette publication est issue des archives du site du barreau d’Aix-en-Provence ; il s’agit d’un article qui avait été écrit par le bâtonnier Charles COHEN.
Sur une plaque de marbre, à l’entrée de la Bibliothèque des Avocats, figurent les noms des AVOCATS MORTS POUR LA FRANCE.
Parmi eux, celui de Maître Georges CHAVERNAC.
Qui fut Maître Georges CHAVERNAC et dans quelles conditions donna-t-il sa vie pour la France ?
Consultons les archives de l’Ordre et, notamment, le Registre des Délibérations du Conseil de l’Ordre.
Nos recherches ne sont pas faciles, mais nous finissons par trouver une délibération en date du 25 août 1917.
Elle nous éclaire suffisamment sur Maître CHAVERNAC et sur sa mort, non pas sur les champs de bataille mais sous les coups d’un assassin qualifié d’apache, alors qu’il était mobilisé à Hyères, comme officier de Gendarmerie.
Ses obsèques eurent lieu en l’Eglise Saint-Jean de Malte à Aix-en-Provence et le Bâtonnier (il s’agissait de Maître JAUFFRET, remplaçant le Bâtonnier en exercice, Maître BAGARRY, qui était mobilisé) prononça l’allocution suivante :
“La terrible guerre qui, depuis plus de trois ans, développe des tragédies sanglantes, n’a pu, en dépit des deuils cruels qu’elle multiplie autour de nous, émousser la sensibilité de nos coeurs et je n’en veux pour preuve que l’émotion sincère et profonde que nous avons éprouvée quand la nouvelle nous est arrivée, presque en même temps, du drame d’Hyères et du décès de notre malheureux confrère CHAVERNAC.
“Dispersés en ce moment loin d’Aix, tous nos confrères m’imposent, plus impérieusement encore, de venir, comme Bâtonnier de l’Ordre, exprimer en leur nom les sentiments que fait naître en nous cette tragique disparition.
“Georges CHAVERNAC nous appartenait depuis 1894.
“Après de brillantes études, il s’était fait inscrire à notre Barreau.
“Merveilleusement servi par une grande facilité de parole, une faculté peu ordinaire d’assimilation et l’aménité cordiale de ses manières, il prit, presque tout de suite, au Palais une place enviable.
“S’il plaidait utilement les affaires civiles, c’est devant le Tribunal Correctionnel et la Cour d’Assises qu’il connut peut-être ses succès les plus retentissants. Et comment ne pas souligner l’ironie de la destinée qui fait tomber sous les balles d’un lâche meurtrier, l’avocat qui, si souvent, trouva en faveur de ses clients des accents d’une émouvante pitié.
“Excellent confrère, de relations agréables et faciles, supportant avec une égalité d’humeur parfaite les plaisanteries amicales que, si souvent, nous aimons échanger entre confrères.
“Mais, le Barreau d’Aix n’oubliera pas, surtout, que CHAVERNAC est mort, victime du devoir dans l’accomplissement de la mission que lui avait confiée le Pays…
“Nous sommes reconnaissants au Gouvernement d’avoir apporté à notre confrère le témoignage exceptionnel de sa satisfaction et d’avoir placé sur la poitrine de l’agonisant la croix des Braves.
“Le Pays ne distingue pas, en effet, entre les enfants qui le servent. Le champ de batailles n’est pas le seul à faire naître les héros.
“L’ouvrier qui, en fabriquant des munitions, est emporté dans une explosion, et l’Officier de Gendarmerie qui tombe sous les balles d’un assassin, méritent également la reconnaissance du Pays.
“Saluons bien bas la dépouille de notre Confrère ; elle a droit, comme celle du soldat qui meurt en montant à l’assaut, à être drapée dans le glorieux linceul tricolore dont la France maternelle enveloppe, pour leur dernier sommeil, ses fils qui ont su mourir pour elle…”.